Chemin de fer

Publié le par OverBlog

 

 

 

Voie de garage pour les locomotives industrielles de
Petite-Rosselle

La passion des locomotives ne passe plus à Petite-Rosselle. Plusieurs dizaines de machines et de wagons sont désormais enfermés à double tour dans l’atelier ferroviaire du carreau Wendel, sur le site muséographique du musée  de la mine. Sur le projet visant à présenter grandeur nature les trains de l’épopée charbonnière, les portes se sont refermées. Il est normal que l'on projette des interrogations sur cette évolution de la politique culturelle technique et industrielle, pour essayer d'en situer les enjeux. 


Pantographes en berne, les locomotives électriques font monter la tension chez les derniers bénévoles à qui l’on doit ce regroupement de machines, «chinées» ici et là sur des sites industriels, avec acharnement et méthode, avec beaucoup de détermination et peu de moyens. Piètre consolation, les plus belles locomotives sont au sec. Et tant pis pour d’autres matériels roulants stationnant sous l’ancien lavoir à charbon, caillassés par les vandales, à deux jets de pierre du magnifique musée La Mine, aux installations futuristes construites pour proposer  aux visiteurs une saisissante représentation du «fond». Un musée ne saurait en cacher un autre, les trains resteront sur la voie de garage.

La mine pourtant, c’est aussi le chemin de fer. Celui-ci a été créé grâce à elle et pour elle. Amédée BURAT, secrétaire général du Comité des Houillères (les Charbonnages de France avant l’heure), écrivait en 1861, qu’il fallait désormais «des machines d’extraction capables d’enlever de gros poids à une grande vitesse…». Et des moyens de transport adaptés à cette production calée sur une demande croissante.

Entre Saint-Etienne et Rive-de-Gier, les deux régions houillères du département de la Loire, isolées l’une de l’autre, travaillant chacune de leur côté au développement de leur production et de leurs ventes, «il n’y aura pénétration réelle, concurrence effective, communauté de débouchés et fusion des courants commerciaux, que lorsque les chemins de fer de Saint-Etienne à Lyon et de Saint-Etienne à Roanne seront livrés à la circulation des wagons de marchandises» notait l’ingénieur du Corps des Mines Louis-Ernest LESEURE, en 1901, en portant un regard sur le XIXe siècle.

L’essor définitif du bassin de la Loire – le doyen des bassins français et longtemps le plus important – ne se produisit qu’après l’ouverture du canal de Givors en 1780, et de liaisons ferroviaires en 1832 et 1834.

C’est l’un des découvreurs du bassin houiller sarro-lorrain, Louis Antoine BEAUNIER, qui fit réaliser la première ligne de chemin de fer de France, ouverte à la circulation en octobre 1828, entre Saint-Etienne et Andrézieux, sur la Loire, pour faciliter l'évacuation du charbon vers la région parisienne. Il était alors pleinement occupé à développer les houillères du bassin stéphanois.

Auparavant, BEAUNIER avait dirigé l’école des mines de Geislautern fondée, en Sarre, à la demande de Napoléon Ier. On peut dire que les ingénieurs DUHAMEL, BEAUNIER et CALMELET ont fait l'inventaire complet des richesses alors connues du gisement sarro-lorrain, consignant ces observations dans un atlas de soixante-six feuilles, avec légende, carte d'assemblage et coupes, qui résume magnifiquement plusieurs années de travail savant et acharné.

Les Français avaient tellement amélioré la situation des houillères sarroises que leur production doubla en cinq ans. Une évolution radicalement modifiée par le cours de l’Histoire. Le second traité de Paris, le 20 novembre 1815, sanctionna le retour de Napoléon de l’île d’Elbe et sa défaite à Waterloo. Il obligea la France à remettre le territoire de Nassau-Sarrebruck à la Couronne de Prusse.

BEAUNIER retourna à Paris où il suggéra la création d'une nouvelle école à Saint-Étienne. Il en prit les rênes et fut également l'un des pionniers de l'industrie métallurgique et des voies ferrées.

Si on veut trouver le lien qui unit la mine et le chemin de fer, il suffit de se remettre en mémoire le parcours de l’ingénieur des mines et académicien Louis ARMAND, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, sorti premier de l'Ecole des Mines de Paris. Nommé directeur général de la SNCF en 1949, et président de la SNCF en 1955, il assuma la présidence des Houillères du Bassin de Lorraine de 1959 à 1964.  En l’accueillant dans leurs rangs, en 1963, les membres de l’Académie française voulaient ouvrir leurs portes à un homme qui incarnait le progrès technologique.

Son œuvre principale reste la traction électrique en courant industriel. Grâce à lui on verra courir des trains français qui seront les plus rapides du monde. En 1955, on applaudira aux exploits de la fameuse BB 9004, qui couvre plus de 300 kilomètres à l'heure.

Louis ARMAND encouragea la construction des locomotives CC 14100, d’une masse de 127 tonnes et d’une vitesse maximale de 60 km/heure, destinées à la traction des trains lourds de l’industrie. Les deux derniers exemplaires français de cette série de «CC» stationnent, l’un à Conflans-en-Jarnysis et l’autre à Petite-Rosselle, depuis 1998.

Cela ne veut pas dire pour autant, que la collection ferroviaire du carreau Wendel sortira de l’ombre demain.  Car la CC 14183, avec  l’autorail «Picasso» et d’autres machines échappent au regard des visiteurs, enfermées dans un bâtiment du carreau Wendel. L’absence de perspective pour leur mise en valeur est palpable.

Tous ne partagent pas les mêmes convictions. Si pour les uns l’évolution du chemin de fer des houillères est une question centrale du discours sur les développements de l’industrie charbonnière au siècle dernier, pour d’autres, l’attention consacrée à l’activité ferroviaire des HBL, avec près de 1 500 mineurs-cheminots, ne saurait être qu’une variable d’ajustement, en fonction des crédits disponibles et de la volonté de dépasser le concept muséologique actuel.

Les trains de la mine n’apparaîtront pas, semble-t-il, comme la « locomotive » d’une diversification de l’offre faite aux visiteurs. Aujourd’hui ce n’est peut-être pas possible. Mais c’est sans doute souhaitable. Le pire serait que ces engins de traction et les voitures de transport des mineurs tombent sous le chalumeau des ferrailleurs, dans l’indifférence générale. Et que les générations futures n’y voient que du feu.

 

Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur 


 

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La "CC 14101" sur la grande transversale Valenciennes-Thionville, ligne dont l'électrification est datée de 1955. Une des dernières locos de ce type, d'une masse de 127 tonnes, destinées aux trains industriels, est stationnée dans l'atelier ferroviaire fermé du carreau Wendel, à Petite-Rosselle, depuis 1998.

 

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